Le bruit des glaçons, par Pascal.
Hier, Laurent Fignon est mort.
D’un cancer. Maladie dont il avait témoigné à de nombreuses reprises.
« Je vis au jour le jour. J’espère que ce prochain traitement marchera. Quelles que soient ma bonne volonté et la force de me battre, si l’on ne trouve pas le bon médicament, il y a un moment où ça va m’emmener et je vais y passer. Je n’ai pas envie de mourir à 50 ans, mais si c’est incurable, qu’est-ce que j’y peux ? J’aime la vie, j’adore rigoler, voyager, lire, bien bouffer, comme un bon Français. Je n’ai pas peur de la mort, je n’en ai juste pas envie ! »
Le cancer, ce crabe, cette merde, qui peut ignorer aujourd’hui ce que c’est ?
Qui un ami, qui un frère, qui un père, qui soi-même, fréquente la bête de plus ou moins près.
Malgré tout, à moins d’être malade, personne ne sait comment on vit avec.
Au quotidien. Comment on se bat, comment on a des hauts, des bas, des moments avec et des moments sans.
Aujourd’hui, nous souhaitions publier un billet, comme toujours bien écrit, de notre ami Pascal, lui qui connait la maladie, et souhaitait nous en parler à l’occasion de la sortie du « Bruit des glaçons », le dernier film de Blier.
Allez, gros, vas-y, c’est à toi :)
La lumière revient déjà, et le film doit continuer…
Hier soir, je suis allé voir au ciné « le bruit des glaçons », un film que je ne serais sûrement pas allé voir, si j’avais fait partie des « Always alive’.
Pourquoi n’y serai-je pas allé ?
Mince ! Suis déjà en train de me poser la question des questions.
Bah j’en ai rien a foutre du cancer, ça me concerne pas ! On nous balance suffisamment de catas à la téloch pour aller m’alourdir la chape en allant voir des gens mourir sur la toile, comme dans une dernière séance..
Oui mais mon garçon, ça fait quatre ans maintenant que t’es concerné, toi, the « intouchèbeulle »!
Ça fait même un paquet de mois que tu remets en cause ton Moi, toi le « sûr » de toi !
Ok , ok ! Pas taper ! C’est bon.
Je vous raconte de suite pourquoi, il faut aller voir ce film qui au prime abord, pourrait planter un peu l’ambiance d’une rentrée, suffisamment plombante pour tout à chacun, avec son cortège de : retour au boulot, courses scolaires pour les gosses, bronzage position pelage, météo cata, boite mail porteuse de trois semaines d’absence etc etc.
Alors d’abord le contexte , qui commence par le « qui dans la salle »?
Habituellement c’est pas une question qu’on se pose quand on va au ciné.
Mais là tu as ton cancer et tu vas voir un film sur le cancer… Pas pareil… Hin , hin.
Alors , tu te sens un peu gêné, car tu te dis qu’il y a déjà dedans des gens du club, et tu cherches les sociaux styles enfin les chimios styles…Les ceux qui sont en plein de dedans, les ceusses qui ont déja eu, les tempes grises, les « plus de tempes », les perruqués, les ex cancer du seins, les « tiens t’es là toi? », les « merde elle ou il m’a vu », les « pourquoi il est là lui?….
Bref t’es pas à l’aise, enfin moi je ne l’étais pas.
Car il y a aussi les ‘je vais tout simplement au cinoche », et tant mieux car c’est celle la, la catégorie qui nous intéresse.
Celle qui n’a pas d’à priori, celle qui a un regard juste sur la maladie, celle qui te regardera comme une femme ou un homme normal, qui ne te fuira pas sous prétexte de voir en ton miroir le pronostic ou le diagnostic de sa future cata annoncée ou envisageable.
Alors oui, c ‘est vrai je dois vous parler du film.
Je vous le fais court car pour moi le spectacle est d’abord dans la salle, dans la tête du spectateur présent et, à la fin du film « quand la lumière revient déjà » et que le film n’est pas terminé…
Le pitch donc :
Un écrivain à succés (Dujardin) devenu alcoolo dépendant depuis le départ de sa femme, enfermé dans un mas de Provence, au bord de sa piscine, mais la tête immergée dans son seau à Rosé glacé… son doudou à lui… voit venir sonner à sa porte son cancer, sous les traits d’un homme apparemment invisible (Dupontel).S’en suit la vie quotidienne de ce couple, totalement probable, et les échanges liés à leur cohabitation.
Je ne vous en dirai pas plus, par contre je peux vous donner mon sentiment sur la façon dont j’ai reçu ce film .
Précision importante :
Avant d’être chimio dépendant, je suis déja bertrando blio dépendant…C’est pas neutre, et risque de teinter mes commentaires de la plus grande des subjectivité. Un peu comme Télérama, mais eux quand ils font une critique subjective c’est parce qu’ils sont trés intelligents, enfin plus que vous…
Ça veut donc dire que mon niveau d’humour, enfin mon style d’humour, se promène entre la plus grande des feintes et le plus surprenant des trashs.
J’ai donc en moi, et je m’en sert depuis longtemps contre ma maladie, une pratique de l’humour noir et de l’auto-dérision suffisante, qui fait que j’éclaterai de rire quand Dujardin, se plaignant à l’oncologue d’avoir une tumeur au cerveau et de vouloir être soigné, se prendra un méga coup de boule dans la tronche de la part du praticien, lui répondant en le fracassant « je vais vous le soigner ! »
Mon sentiment pour ce film ? Oui, j’arrive !
Celui qui a écrit ce film a forcément bien connu le sujet car, si on peut trouver que le film manque parfois de fluidité et souffre d’une certaine lenteur, force est de constater que tout y est.Toutes les pièces du puzzle « pathologie cancer » sont là. Pas forcément expliquées, mais toutes suggérées en filigrane : l’arrivée du cancer, ses origines, les incidences affectives et professionnelles, le passage de l’égoïsme à l’empathie, la découverte des quintessences de la vie, l’entourage etc etc…Sans oublier l’intérêt vital d’un entourage familial ou affectif de qualité, nécessaire pour se coltiner la maladie et la combattre sereinement.
En clair, un film, pardon, un Blier de qualité, au service d’un optimisme et d’une appréhension positive de la maladie.
Cependant , si je retire ma casquette de cancéreux à humour bizarre, je peux imaginer le côté « dérangeant »de ce film, qui a cependant à le mérite d’être interpellant sur la façon de regarder la maladie différemment.
Pour conclure revenons cependant sur la fin du film, non pas sur l’écran, mais dans la salle.C’est la première fois que j’assiste à une fin de film où le retour de la lumière n’a pas que comme seul effet de venir vous réveiller de votre voyage en salle obscure.
Je me suis trouvé surpris, comme pris dans des phares, d’avoir un éclairage porté sur moi, uniquement sur moi, avec cet étrange sentiment, que si j’étais le premier a me lever, on verrait ma différence. Oui vous savez , le mec là avec sa couleur de peau un peu jaunâtre , les cheveux un peu court, le visage un peu fatigué…
Mais suis juste en train de me tromper, car ce regard sur moi, c’est juste celui que je porte en moi, avec tout le poids que j’y mets.
Eh ! Oh! Vous rigolez ou quoi ?
Vous croyez que je vais faire dans le patoss ?J’ai 51ans ! Je suis bronzé ! Je fais 60 km de vélo par jour! En chimio chaque semaine ! Je mange, bois et plus si affinités! En greffe demain ! J’aime ! On m’aime ! Même pas mal ! Suis pas trop con ! J’ai un myèlome depuis 4 ans ! Merde !
Mais, je visssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssvisssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssss!!!!!!!!!
…C’était la dernière séance, la dernière séquence et le rideau sur mon film n’est pas tombé !
Pascal
beaucoup plus « frileuse » que toi sur ce coup là… je ne sais pas si j’aurai le « courage » d’y aller, l’envie certes est là, mais le courage beaucoup moins. Se voir comme ça, sur grand écran, mis à nu avec ses doutes, ses peurs, ses envies, ses besoins,..avec soi en fait me fout la trouille à défaut du cafard. J’ai comme beaucoup vu la présentation du film, j’ai comme beaucoup eu le truc de me dire « j’irai » (et je précise que le ciné est moi ne sommes pas copains copains) mais je n’ai pas encore fait ce pas… peut être une sorte de « thérapie » (une de plus) comme si il était nécessaire pour nous de mettre cette fois des images sur nos maux. Je crois que j’ai la trouille, oui c’est ça j’ai la trouille de me voir dans les images, dans les mots, dans les situations. J’ai la trouille d’y voir mes doutes et mes angoisses aussi. J’ai la trouille d’y voir ma trouille. En fait je suis trouillarde … parfois ça prend le dessus. Bises à vous trois.
@béa: Tu n’es pas trouillarde, ça se saurait! Ce qui est bien c’est de te dire que tous les non touchés qui seront dans ta salle, sont d’autant d’alliés au regard juste et neutre sur la maladie.
Je sais j’ai pas repondu à ta question, mais c’est tellement rare de voir un truc sur le cancer, qui ne soit pas dans la mièvrerie genre: ils souffrent, se battent , ils sont beaux ces héros ordinaires…etc etc , qu’il faut y aller .
A ciao!
Je comprends que l’humour, même vache, est une arme dans bien des situations, y compris la maladie. C’est naturel et gratuit…
J’ai pas vraiment envie de dire « bravo, courage, blabla », mais juste de dire que j’ai lu un beau témoignage d’un quidam qui va voir un film au cinéma, avec des personnages qu’il connaît peut-être un peu plus que les autres.
@merci Zette du « surtout pas de blabla »…
J’ai simplement un autre regard, que je ne peux qualifier de privilégié, car il y a mieux comme privilège…
PASCAL
Joli témoignage en tout cas.
J’ai lu avec plaisir ton témoignagne. Et je suis contente pour ta greffe !
WAOOO. Pour tout. Le billet, la gniak, le film. J’hésitais, mais maintenant j’y vais. Merci.
@fanny, louisiane: merci
@leonie canot: super, suis d’accord avec tout sauf le chien…:))
[...] This post was mentioned on Twitter by Dom, Dom. Dom said: RT @Manou18 @[Blog] Le bruit des glaçons http://www.menageresdemoinsde50ans.com/le-bruit-des-glacons-par-pascal/ [...]
Je viens de relire encore ton texte, et plus que l’envie d’aller voir ce film (c’est pas demain qu’il va arriver ici, mais bon, fuck hadopi quoi) c’est ton texte que je trouve prenant.
Un peu comme un voyage dans un monde qui fait peur, dont on aimerait se dire qu’il est pas pour nous, le méchant monstre sous le lit du soir, mais qu’avec toi, on le remet à sa place, à grands coups de boule dans la tronche.
Merci encore Pascal, pour ce sincère et frappant témoignage.
Autant, je suis allée voir l’Age de Raison, qui reflète pas mal ce que je traverse actuellement…
Mais un film relatif au cancer, cela réveillerait sans doute trop de blessures du passé, et mon psy a déjà pas mal de boulot avec ça Tiens, ce soir on causait généalogie et de ma grand-mère qui pétait la forme et qu’un cancer a terrassée en à peine un an ! Et moi à chaque fois, j’suis à me dire : bon, j’aurai quoi ? le cancer de la paternelle, ou l’Alzheimer de la maternelle ?
Continue à avoir la pêche Pascal !
PS : je précise que ma Mamie qui pétait la forme l’a vue bien baissée lorsque sa propre mère est mourue, et elle l’a donc suivie un an plus tard (et mon grand-père a été plus rapide : 6 mois après ma Mamie)
PS du PS : Hé, n’empêche que dans tout ça, la mère de ma Mamie elle est quand même mourue paisiblement à 99 ans d’une petite grippe, ça laisse de l’espoir, non ?
@DOM: merkiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii « bo q » wouahhhhhhhhhhh!
enfin je dis ça mais g pas regardé.
@AURELIE T:de toutes façons , tu les feras pas des 105 ans!
Rô, tout d’suite… (m’enfin en même temps ça me dérangera pas !)